feu d'un berbecueLe 25 novembre c’est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

On ne parle par tellement des hommes battus car la majorité des violences conjugales sont faites contre les femmes et non subies par les hommes.

Pourtant, les statistiques du Ministère de l’Intérieur établissent qu’en 2011, une femme était tuée tous les trois jours et un homme tué tous les quinze jours de violences conjugales. D’autres statistiques sont consultables ici.

Par honte de parler d’un sujet tabou, par culpabilité, l’homme battu peut se taire longtemps et minimiser les violences physiques ou morales qu’il subit sans chercher de protection.

Il s’isole, se met en fait en danger, voire met sans le savoir les enfants en danger quand les violences sont commises devant les enfants.

Il n’est pas rare qu’un homme de 1m80 subisse des coups, des gifles, des crachats, des griffures, et est battu avec des ustensiles de cuisines ou reçoive dans le dos ou sur la figure, tous les objets électroménagers qui tombent sous la main de sa femme de 1m50.

A la réponse : vous défendez-vous ? L’homme battu répond qu’il se protège comme il le peut, essaye de calmer sa conjointe, qu’il sort un peu pour laisser retomber la pression mais que s’il réagissait vraiment, vu sa force et son poids, il pourrait vraiment blesser sa femme, ce qu’il ne veut pas.

La femme violente se défend souvent en arguant du fait qu’elle n’a jamais touché aux enfants.

Mais frapper leur père devant les enfants est un acte d’une extrême violence morale pour les enfants.

Cette violence même si elle n’est pas physique est palpable.

La femme violente tout comme l’homme violent n’a pas toujours conscience de sa dangerosité.

Les hommes battus, comme les femmes battues, ne sont pas sans ressources car en parler c’est déjà agir.

En cas de violences, il faut avoir quelques réflexes.

1)      Ne restez pas au domicile si vous vous sentez en danger, appelez de l’aide

Appelez la police ou l’aide de voisins ou de la famille pour qu’on vienne vous porter secours.

La présence de tiers peut dissuader l’auteur des violences.

2)      Déposez une plainte au commissariat

 

Les mains-courantes ne sont plus autorisées en matière de violences conjugales. On doit déposer plainte.

N’importe quel commissariat peut prendre votre plainte pénale pour violences, s’il n’est pas territorialement compétent, il lui appartient de transmettre votre plainte au commissariat adéquat.

Certains commissariats refusent de prendre une plainte, ce qui est totalement illégal.

Pensez à prendre une copie de la plainte.

Il est souvent très difficile pour la victime de déposer plainte par honte, par peur des conséquences pénales pour le parent de ses enfants ou par peur des représailles (perdre la garde des enfants, perdre la maison etc, ce qui est FAUX !).

En général, ce n’est que quand les violences sont perpétrées depuis longtemps, qu’aucun dialogue n’est plus possible, qu’il y a une escalade dans la violence, qu’aucune des promesses de ne plus recommencer n’a été tenue, qu’enfin la victime se résout à déposer plainte.

Les hommes déposent rarement plainte par amour, par naïveté, par l’espoir que tout finira par s’arranger.

Déposer une plainte quand vous êtes victime de violences conjugales est une étape clef pour vous défendre et arrêter les violences.

Déposer plainte ne signifie pas que l'auteur des violences ira en prison. C'est souvent la crainte des hommes violentés par la mère de leurs enfants.

Quand l'auteur des violences n'a pas de dossier pénal, la condamnation peut être de faire une stage de sensibilisation contre les violences, voire de la prison avec sursis.

Déposer plainte en premier permet d'éviter d'être accusé par la femme auteur des violences d'être l'homme qui l'a frappé en particulier quand cela est faux ! Il y aura une antériorité de votre plainte en tant que victime sur celle de la personne qui se prétend victime.

Porter plainte permet de se faire examiner par des urgences médico-judiciaires et d'évaluer les jours d'ITT.

3)      Le jour des violences, faites constater vos blessures, ecchymoses ou votre état de stress-panique soit chez un médecin, soit de préférence aux urgences médico-judiciaires (UMJ) proches de votre domicile.

Si vous manquez de temps, privilégiez ce constat médical et aller au commissariat ensuite ( le lendemain pas dans 3 semaines).

La victime a tendance à minimiser les violences et pense qu’elle n’a rien alors qu’un médecin y verra des érosions cutanées, voire quelque chose de plus grave nécessitant une radio ou un scanner.

En cas de plainte,  la police vous enverra directement aux UMJ où après examen médical, on vous remettra un constat médico-légal.

Ce constat établi par des médecins habitués à ce type de violences va établir l’incapacité de travail temporaire ( ITT)  causé par les violences.

4)      Prenez des photos de vous-mêmes le jour des violences

Consulter un médecin qui pourra vous aider. Conservez les ordonnances, les arrêts de travail même si vous ne les utilisez pas.

5)      La protection juridique par l’ordonnance de protection

Il s’agit d’une protection civile qui n’entraîne pas à proprement parler de conséquences pénales telles que la prison ou une amende mais permet de protéger en urgence la victime et les enfants.

Article 515-9 du Code Civil prévoit que :

Lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu'il n'y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu'il n'y a jamais eu de cohabitation, mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection.

Article 515-10 du Code Civil prévoit que :

L'ordonnance de protection est délivrée par le juge, saisi par la personne en danger, si besoin assistée, ou, avec l'accord de celle-ci, par le ministère public. Sa délivrance n'est pas conditionnée à l'existence d'une plainte pénale préalable.

Dès la réception de la demande d'ordonnance de protection, le juge convoque, par tous moyens adaptés, pour une audience, la partie demanderesse et la partie défenderesse, assistées, le cas échéant, d'un avocat, ainsi que le ministère public à fin d'avis. Ces auditions peuvent avoir lieu séparément. L'audience se tient en chambre du conseil. A la demande de la partie demanderesse, les auditions se tiennent séparément.

Avant l’audience, consulter un avocat qui saura vous accompagner et vous conseiller sur les solutions juridiques adaptées à la situation, afin de sortir rapidement de cette situation inacceptable.

Lors de l’audience, qui pourra être rapidement fixée vu l’urgence, votre avocat plaidera votre cause pour convaincre le juge aux affaires familiales de l’impérative nécessité des mesures de protection compte-tenu du danger encouru.

Concrètement, la victime de violences conjugales peut demander au juge de (article 515-11 du Code Civil) :

1° Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

1° bis Interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge aux affaires familiales dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse ;

2° Interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme ; Lorsque l'ordonnance de protection édicte la mesure prévue au 1°, la décision de ne pas interdire la détention ou le port d'arme est spécialement motivée ;

2° bis Ordonner à la partie défenderesse de remettre au service de police ou de gendarmerie le plus proche du lieu de son domicile les armes dont elle est détentrice ;

2° ter Proposer à la partie défenderesse une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes. En cas de refus de la partie défenderesse, le juge aux affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République ;

3° Statuer sur la résidence séparée des époux. La jouissance du logement conjugal est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, et ce même s'il a bénéficié d'un hébergement d'urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du conjoint violent ;

4° Se prononcer sur le logement commun de partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou de concubins. La jouissance du logement commun est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n'est pas l'auteur des violences, et ce même s'il a bénéficié d'un hébergement d'urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du partenaire ou concubin violent ;

5° Se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et, au sens de l'article 373-2-9, sur les modalités du droit de visite et d'hébergement, ainsi que, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l'aide matérielle au sens de l'article 515-4 pour les partenaires d'un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ; Lorsque l'ordonnance de protection édicte la mesure prévue au 1° du présent article, la décision de ne pas ordonner l'exercice du droit de visite dans un espace de rencontre désigné ou en présence d'un tiers de confiance est spécialement motivée ;

6° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l'avocat qui l'assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l'exécution d'une décision de justice, l'huissier chargé de cette exécution doit avoir connaissance de l'adresse de cette personne, celle-ci lui est communiquée, sans qu'il puisse la révéler à son mandant ;

6° bis Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée ;

7° Prononcer l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle des deux parties ou de l'une d'elles en application du premier alinéa de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Le cas échéant, le juge présente à la partie demanderesse une liste des personnes morales qualifiées susceptibles de l'accompagner pendant toute la durée de l'ordonnance de protection. Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée les coordonnées de la partie demanderesse, afin qu'elle la contacte.

Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection, il en informe sans délai le procureur de la République, auquel il signale également les violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants.

Le fait de ne pas respecter les obligations ou interdictions imposées dans l’ordonnance de protection est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende en application de l’article 227-4-2 du code pénal.

L’ordonnance de protection a une durée de validité de 6 mois car il s’agit de mesures exceptionnelles, prises en urgence.

 

Elles peuvent être prolongées au-delà si le juge est saisi pendant leur durée d’application d’une requête en divorce, en séparation de corps, ou d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale. Le renouvellement des mesures est alors automatique.

Si un de vos proches subissait des violences conjugales, vous lui diriez sans aucun doute d’agir, alors pourquoi n’appliqueriez vous pas cette règle à vous-même ?

Protéger ses enfants passe aussi et d'abord par la protection de soi. C'est comme la ceinture de sécurité que l'on s'attache avant d'attacher celle des enfants dans l'avion.

Une reportage a été diffusé au JT au sujet des violences conjugales commises sur les hommes, retrouvez le reportage et mon interview ici

J'ai co-écrit un article dans LE MONDE  sur "Violences conjugales faites aux hommes : la double peine"